Salut vous autres,
vous pensez me connaître, mais vous ne me connaissez pas du tout. La plupart d’entre vous n’avez jamais même discuté avec moi via Internet. Ceux et celles d’entre vous qui considérez avoir essayé de discuter avec moi, la vérité c’est que vous vous êtes invité(e)s sur une ou plusieurs de mes pages ou m’avez abordée sur des fils de discussion pour me lancer des accusations (notamment racisme, islamophobie, transphobie ou sexisme), ou encore m’injurier, établir des diagnostics sur ma santé mentale ou même me dire que je ne devrais pas occuper le poste que j’occupe (sans avoir la moindre idée de mes compétences pour mon travail ni de la façon dont ça se passe à mon travail), en vous attendant apparemment à ce que ma réaction consiste à peu près en ceci : « Oh mais vous avez raison! Mea culpa, quel mauvais être humain je suis! Désormais, j’essaierai de devenir une bonne personne comme toi! » Je dis cela parce que j’ai vu les « rapports » que vous faisiez de vos tentatives de « discuter » avec moi à vos amis Facebook : « J’ai essayé de lui parler, mais ça ne sert à rien, elle est bockée ! » Sincèrement, pensez-vous qu’en abordant quelqu’un comme vous m’avez abordée, vous pouvez engager une discussion constructive ?
Vous inventez des histoires à mon sujet, et je me suis souvent demandé si vous inventiez consciemment vos histoires afin de me salir ou si vous en veniez vraiment à les croire. Sans doute certaines personnes qui ont entendu ces histoires sans en être les auteurs les ont crues sans plus de questions. Prenons quelques unes de vos prétentions à mon sujet, que certaines personnes semblent vraiment prendre pour la réalité.
Contrairement à ce que vous racontez allègrement, je n’ai jamais harcelé ni intimidé personne. Commençons par votre prétention de harcèlement et d’intimidation sur Facebook. Je me suis déjà moquée de plusieurs personnalités publiques, certes. Dalila Awada, Coraline Le Moyne, Camille Robert, Judith Lussier et d’autres. Rire de personnalités publiques de façon occasionnelle, dans un commentaire, un statut ou un meme, sans jamais toutefois chercher à exposer ni même à connaître des éléments de leur vie privée, sans chercher à les joindre personnellement pour les embêter, et surtout sans s’acharner continuellement sur elles* ni chercher à leur nuire dans leur vie de famille, leurs relations intimes, leurs activités professionnelles, sans inventer de mensonge à leur sujet pour les salir, n’est pas une forme de harcèlement ni d’intimidation. Non seulement c’est une façon d’agir légitime, mais de plus, vous êtes mal placés pour la reprocher à d’autres : pour autant que j’aie pu voir, vos commentaires sur des personnalités publiques telles que Mathieu Bock-Côté, Djemila Benhabib et bien d’autres, plus fréquents et hautement plus mesquins que tout ce que j’ai pu écrire sur Dalila, Coraline ou n’importe qui d’autre, se rapprochent beaucoup plus de l’acharnement. Si un seul d’entre vous lit cette lettre et réfléchit à cela, ça n’aura pas été une perte de temps.
Vous m’avez déjà associée à des commentaires qui venaient d’autres personnes. Oui, moi aussi, j’ai déjà vu passer des remarques sur Dalila Awada, Coraline Le Moyne, Judith Lussier ou d’autres (notamment Sarah Labarre, qui s’en prend souvent à moi sur son mur ou dans des fils de discussion, et qui semble même prétendre que je l’ai déjà intimidée, ce qui est complètement faux) dans lesquels on les attaquait sur leur physique, les accusait de certaines choses sans preuve, faisait des commentaires gratuits sur leur sexualité, etc. Qu’est-ce que j’ai à voir avec ça si ces commentaires ne viennent pas de moi et que je ne les approuve même pas? Cessez votre culpabilisation par association. Je ne suis pas responsable des fautes morales des autres.
Vous avez aussi prétendu que je harcelais des femmes en messages privés sur Facebook, ce qui est tout aussi faux. Considérez-vous qu’écrire en privé à quelqu’un qui écrit du mal de moi publiquement pour lui demander d’arrêter ou pour lui dire que je n’apprécie pas les mensonges qu’il diffuse à mon sujet, ou pour répondre à ce qu’il a écrit, est une forme de harcèlement ou d’intimidation? Si oui, alors je vous invite à revoir les définitions de ces termes.
Vous avez aussi identifié ma simple présence à des panels de féministes intersectionnelles comme une forme de harcèlement. Se présenter à un événement public, écouter en prenant des notes, et écrire sur le sujet par la suite n’est pas une forme de harcèlement. C’est un exercice légitime de ma liberté, notamment de ma liberté d’expression.
D’ailleurs, j’ai envie de revenir sur le panel sur la « décolonisation » du féminisme, où prenaient la parole Thérèse Kaligirwa Namahoro (non, l’appeler Thérèse n’est pas non plus une forme de harcèlement, pas plus, et je dirais même encore moins que quand vous appelez Mathieu Bock-Côté MBCile ou Sophie Durocher, Sophisme Durocher) et d’autres femmes. Vous en avez parlé dans le charmant document de plus de soixante pages que vous avez fait circuler à mon sujet pour salir ma réputation, et que vous avez même fait parvenir à mes patrons dans l’espoir que je perde mon emploi. Dans ce document, vous avez spécifié que ceux qui s’occupaient de la sécurité à cet événement avaient été prévenus de l’éventualité de ma présence, afin qu’ils réagissent si j’avais une attitude inappropriée. Vous avez aussi prétendu que j’avais en effet eu une attitude inappropriée, en riant et en interpelant une paneliste avec ce que vous appelez son « deadname« . Vous reconnaissez pourtant que je suis restée jusqu’à la fin, et vous avez même inclus à votre document le premier des trois textes que j’ai écrits sur cet événement. Comment expliquez-vous que ceux qui s’occupaient de la sécurité ne soient pas intervenus et ne m’aient pas demandé de quitter, alors que l’animatrice avait été très claire à l’effet qu’aucun commentaire déplacé ni intimidation envers les panelistes ne serait tolérées ? Moi je peux l’expliquer à ceux qui n’étaient pas présents à l’événement, mais qui ont gobé votre histoire : si la sécurité n’est pas intervenue, c’est parce que la vérité, c’est que je n’ai ni ri, ni parlé durant le panel, et les deux amis qui m’accompagnaient non plus. Nous sommes tous les trois restés assis sans bruit, eux en écoutant, moi en écoutant et en prenant des notes.
Depuis que vous avez fait parvenir votre fameux document à mes patrons, je vous ai vus à quelques reprises vous demander entre vous, sur des fils de discussion sur Facebook, pourquoi ceux-ci n’avaient pas encore réagi, depuis le temps que vous m’avez « dénoncée ». Dans votre document, vous tiriez des conclusions sur la façon dont ça se passe à mon travail : vous supposez – c’est là une autre fausseté que vous faites circuler à mon sujet – que j’intimide des élèves. Ailleurs que dans ce document, je vous ai vus prétendre que je tiens des propos discriminatoires durant mes cours, que je fais échouer des élèves en raison de leur origine ethnique, de leurs croyances ou d’autres caractéristiques personnelles, certains ont même tenté de me faire croire que vous déteniez des enregistrements que des élèves avaient fait de ces propos (or, pour que des élèves puissent faire des enregistrements de propos racistes, homophobes ou autres de ma part, il faudrait déjà que je tienne de tels propos dans mes classes, ce qui n’est pas le cas). Vous vous demandez sérieusement pourquoi la direction ne réagit pas…
Il ne vous est jamais venu à l’esprit que la direction ne réagissait pas pour la bonne raison que, contrairement à ce que vous racontez à droite et à gauche, je n’intimide aucun élève, je traite tous mes élèves avec professionnalisme et impartialité, les évaluant sur le contenu de leurs travaux, peu importe leurs caractéristiques ? Vous ne me côtoyez pas. Mes patrons et mes collègues, eux, me côtoient, ainsi que mes élèves. Oui, je suis anti-théiste, pour la laïcité, très critique des religions, féministe universaliste, contre l’idéologie du genre, contre les croyances et pratiques religieuses en général et contre le voile islamique en particulier, et je m’exprime dans mes écrits, comme tout citoyen et toute citoyenne est en droit de le faire. Cependant, je suis capable de concilier mes opinions sociales et politiques avec mes obligations professionnelles au travail, et je suis capable de voir les êtres humains qui sont devant moi, surtout quand j’ai des responsabilités envers eux, indépendamment de ces opinions. Tous mes élèves peuvent compter sur un traitement juste et impartial, que ce soient des gens religieux, des femmes voilées, des personnes trans, ou encore des gens qui mangent chez McDonald (car je suis aussi contre McDonald). Et cela, mes patrons le savent. Ils me connaissent mieux que vous, ils sont capables de le voir que vous leur racontez des histoires inventées. Sérieusement, vous n’avez même pas pensé à ça? Que si mes patrons et collègues ne réagissent pas aux fautes graves que vous m’attribuez dans le cadre de mon travail, c’est que ces fautes n’existent pas?
Passons à une autre des faussetés que vous véhiculez à mon sujet : je n’ai rien à voir avec la Meute, les Soldats d’Odin, la Storm Alliance, etc. Les seuls groupes militants dont je fais partie sont Pour les droits des femmes du Québec et le Mouvement laïque québécois. Toute prétention que je suis associée à un autre groupe militant que ceux-là relève de l’erreur ou du mensonge.
Votre conception de l’éthique semble très différente de la mienne. Selon ma conception de l’éthique, il existe des devoirs qu’on a envers tous les êtres humains, peu importe les relations qu’on a avec eux. Mentir pour nuire à quelqu’un, harceler, intimider, inciter quelqu’un à se suicider, faire des remarques gratuites sur sa santé mentale, chercher à faire perdre son emploi à quelqu’un pour des raisons qui n’ont à voir ni avec sa compétence au travail, ni avec ses relations avec ceux qu’il côtoie au travail**, sont des choses qui ne se font pas, même avec des gens que je n’apprécie pas, même quand je suis fortement convaincue d’avoir d’excellentes raisons de ne pas les apprécier. J’épaulerais n’importe lequel de mes collègues à qui on essaierait de faire ce que vous avez essayé de me faire, c’est-à-dire faire pression sur la direction pour qu’elle le sanctionne parce qu’il a utilisé sa liberté d’expression d’une façon légitime, en dehors de son milieu de travail en plus.
C’est intéressant d’ailleurs : vous hurlez à l’injustice parce qu’on parle de demander à des femmes (les musulmanes qui portent le voile) de s’abstenir d’afficher leurs croyances religieuses ALORS QU’ELLES SONT AU TRAVAIL, en invoquant souvent la liberté d’expression et de conscience. Or je suis sûre que vous savez comme moi que la liberté d’expression et de conscience, comme tous les droits, s’exercent dans un certain cadre. Personne ne peut exprimer n’importe quoi à son travail (un employé de chez Tim Horton ne peut pas dire à un client qu’il le trouve con et laid, un policier ne peut pas tutoyer un civil lorsqu’il s’adresse à lui, je ne peux pas tenir dans ma classe des discours identiques à ceux que je tiens dans mes écrits, parce que j’ai le devoir de présenter plusieurs auteurs à mes élèves, des auteurs avec des perspectives différentes, etc.) Mais ce qui est surtout drôle, c’est que vous hurlez à l’injustice parce qu’on parle d’établir des balises à la liberté d’expression SUR LE MILIEU DE TRAVAIL, mais vous endossez que l’on prive quelqu’un de son emploi en raison de ce qu’il exprime EN DEHORS DU TRAVAIL.
Revenons à nos conceptions respectives de l’éthique. Selon moi, le monde ne se divise pas en bonnes personnes et en mauvaises personnes. Il y a des opinions et des façons d’agir que je considère comme déplorables, mais personne n’a toujours tort. Et surtout, même si quelqu’un agit d’une manière déplorable, il a quand même des droits et c’est quand même un être humain. S’il est inacceptable de mentir pour salir quelqu’un, ou de harceler quelqu’un, ou de chercher à lui faire perdre son emploi pour des raisons non pertinentes, de lui suggérer de se suicider ou de souhaiter sa mort, ça demeure inacceptable même quand on le fait à quelqu’un qui agit de façon déplorable.
De votre côté, vous divisez le monde en bons et en mauvais. Vous êtes rapides pour vous scandaliser d’un meme où il est écrit que Camille Robert est niaiseuse, puisque selon vos critères, elle fait partie des bons, mais par contre, quand il s’agit d’une personne qui fait partie des mauvais (toujours selon vos critères), il semble que tout soit permis : la traiter de vidange, de merde, mentir pour salir sa réputation, l’inviter à se tirer une balle, chercher à lui faire perdre son emploi. J’ai même déjà vu certains d’entre vous encenser la violence physique et se réjouir de la mort de certaines personnes. C’est une conception de l’éthique qui ne peut être que celle de fanatiques, de gens dogmatiques et sans nuances. De gens qui déshumanisent ceux qui ne pensent pas comme eux.
Pensez-vous vraiment que vous défendez la justice sociale en agissant comme vous le faites? Je vous laisse y réfléchir. Je ne me fais pas d’idées, il est probable que ma lettre sera lue par davantage de gens à qui elle ne s’adresse pas que de gens à qui elle s’adresse, et surtout, prise au sérieux surtout par des gens à qui elle ne s’adresse pas et qui ont déjà remarqué votre façon d’agir (qui en ont peut-être même eux aussi été des victimes). Mais encore une fois, si un seul d’entre vous réfléchit sérieusement après l’avoir lue, je n’aurai pas perdu mon temps.
*Vérifiez le nombre de fois que j’ai ri de Coraline Le Moyne, par exemple : je vous assure que j’écris moins souvent sur elle que l’inverse. Le nombre de memes où j’ai ri d’elle s’élève à…deux. On ne peut guère parler d’acharnement. Si elle vous parle des fois où je lui ai écrit en privé, demandez-lui donc des captures d’écran des échanges que nous avons eus : je lui demandais de me laisser tranquille, et quand elle niait avoir écrit des méchancetés sur moi, je lui montrais des captures d’écran que j’ai de ses propos sur moi.
Vérifiez aussi la fréquence à laquelle je parle de Dalila Awada, pour le fun. Dites-vous bien que si vous êtes obligés de remonter jusqu’en juillet de l’année dernière, pour en trouver un bon nombre…enfin je vous laisse tirer vos propres conclusions. Encore pire si vous devez (encore) retourner chercher ce meme avec la photo d’une dinde ! Ce foutu meme que je n’ai pas fait, simplement partagé – mais j’abandonne l’espoir de vous faire admettre qu’il ne venait pas de moi – même à supposer qu’il ait été fait par moi : vous rendez-vous compte que ce meme date d’il y a cinq ans? Décrochez un peu! Et rendez-vous compte que des memes où on compare des personnalités publiques à des animaux pour se moquer d’elles, ça existe en masse ; ce n’est pas parce que Dalila Awada, que vous adorez, est la cible, que ça devient plus inacceptable.
Pensez-vous que j’ai déjà harcelé Thérèse Kaligirwa Namahoro? Comme beaucoup de gens, j’ai réagi à ses façons d’agir odieuses : elle injurie les gens, lance des sarcasmes, pour s’étonner ensuite d’être mal reçue. Elle s’en prend à quelqu’un à répétition, le salit auprès de ceux qui la suivent, et quand la personne réagit, elle fait semblant d’être la victime. Réagir à cela n’est pas du harcèlement. Et laquelle de nous deux a mobilisé des gens pour chercher à faire perdre son emploi à l’autre? Laquelle de nous deux a orchestré une campagne de salissage sur l’autre? Soyez donc honnêtes.
**Je vous vois venir à propos de la laïcité : quand un fonctionnaire porte un signe religieux, ça a à voir avec ses relations avec les personnes qu’il côtoie au travail. L’habillement ne sert pas seulement à se protéger des intempéries, il est en même temps un outil de communication. Des contraintes vestimentaires plus ou moins strictes existent dans tous les milieux de travail – ainsi que dans d’autres contextes – précisément pour cette raison-là. On vous voit rarement lutter contre les codes vestimentaires qui existent déjà sous prétexte que « chacun a le droit de s’habiller comme il veut et que seuls des fascistes dictent aux autres comment s’habiller ».